The Gentlemen

De Guy Ritchie, 2020.

Le trublion anglais à la patte si reconnaissable fait un retour aux sources avec un film de gangsters bavard. Après s’être méchamment planté avec son King Arthur: Legend of the Sword (film injustement et bizarrement boudé par tous), qui a failli couler la Warner en 2017 et s’être refait une virginité dans l’écurie Disney avec l’adaptation live d’Aladdin qui a remplis son contrat et dépassé le milliard en salle (devenant ainsi le plus grand succès, et de loin, de la carrière du réalisateur), le brave Guy Ritchie avait sans doute besoin de vacances. De se ressourcer. Et quoi de mieux pour cela que de revenir à ses premières amours ? Filmons des anglais qui bavardent pendant des heures avant de se flinguer à tout va, comme à l’époque dans Snatch ou dans les deux Sherlock Holmes ?

Et oui, comme toujours, Ritchie invite un brave américain pour compléter son cast purement anglais. Cette fois-ci, pas de Brad Pitt ou de Robert Downey Jr. C’est le toujours excellent Matthew McConaughey qui joue les patrons. En résumé, Mickey Pearson (McConaughey) est le boss de l’herbe au Royaume-Unis. Il vieilli et pense à raccrocher, surtout dans la perspective où la Marie-Jeanne pourrait devenir légale sur les terres de sa Majesté dans quelques années. Il commence doucement mais surement à rencontrer quelques intéressés pour la reprise. C’est sans compter sur le fait que les intéressés en question n’ont aucune intention de payer le prix fort et décident de d’essayer de le doubler.

Heureusement pour Pearson et sa petite entreprise, un journaliste véreux (admirablement joué par un Hugh Grant vieillissant mais parfait pour ce rôle de pleutre et vil traitre) décide de prévenir Raymond (le non-moins excellent Charlie Hunnam, qui distribue les répliques qui tuent en costard trois pièces impeccable), le bras-droit de Pearson. Ajouter à ça une bande de jeunes apprentis délinquants coachés par un Colin Farrell en grande forme, un patron de média détestable joué par Eddie Marsan et Michelle Dockery en femme fatale forte et impitoyable et vous avez un cocktail explosif pour faire du Guy Ritchie façon millésime.

Et c’est tout à fait ce qu’est The Gentlemen. Si le réalisateur s’est un peu assagi avec le temps et a réduit certains de ses tics de réalisation au minimum (la caméra fixé aux épaules de l’acteur qui donne l’impression que le monde entier bouge autours de sa tête, les cuts épileptiques, les ralentis exagérés façon John Woo sous stéroïdes pendant les scènes d’action, etc.), The Gentlemen n’en demeure pas moins un film où la patte de Ritchie est présente sur tous les plans. Les personnages bigger than life, leur morale érigée en modèle alors qu’ils sont tous de fieffés criminels, le fait qu’on rigole un plan sur deux alors que l’histoire n’a finalement rien de drôle.

Il faut un certain génie pour nous rendre attachant cette bande de malfrats patentés. Et Ritchie aime ses personnages, c’est évident. La mise en scène les mets tous successivement en valeur, du plus pleutre au plus flamboyant, ils ont tous leur moment de gloire à l’écran. Et c’est véritablement là que Guy Ritchie se démarque de ses homologues habitués au genre de film de gangster : il fait des films centrés sur ses personnages et pas réellement sur l’histoire. Et bon Dieu ! quels personnages ! Je comprends pourquoi les acteurs aiment travailler pour Ritchie ; il leur offre réellement un écrin pour mettre en valeur leur talent. Ou, devrais-je dire, une version totalement exagérée, parfois cartoonesque, de leur talent. Et ça marche.

En un mot, si vous n’êtes pas allergique aux films de gangster, The Gentlemen est simplement parfait dans son genre. La construction aussi implacable qu’efficace de l’intrigue, les scènes d’anthologie et les dialogues mémorables s’enchaînent entre les protagonistes à une vitesse qui ne laisse que peu de temps mort. Si le film n’est pas avare en fusillades, les dialogues ciselés (signés eux-aussi par Ritchie, bien sûr, tout comme le scénar) sont tout autant des passes d’arme mémorable. On ne peut s’empêcher de sourire lorsque Pearson fini par rendre la monnaie de sa pièce à l’instigateur du jeu de dupe au cœur de l’histoire (dont je terrais l’identité pour vous préserver la surprise, évidemment). Bref, un très bon cru pour un Guy Ritchie, loin des dérives peut-être un peu hollywoodiennes qui ont failli lui couter sa carrière que l’on souhaite, du coup, encore longue (à quand un troisième Holmes ?!)

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