OSS 117 – Le Caire, nid d’espions

De Michel Hazanavicius, 2006.

Il est rarement question de comédie sur ce blog. Mais quand il en est question, elles sont généralement françaises. La comédie est sans doute le genre le plus marqué culturellement parlant. Si ressentir de l’effroi, de l’amour ou être frappé par des effets pyrotechnique est relativement universel, de quoi l’on rit l’est généralement nettement moins. Seuls le slapstick et l’humour absurde à la ZAZ sont partagés par à peu près l’ensemble de l’humanité, comme le démontre assez bien l’humour développé dans les dessins animés pour enfants. Ayant cependant revu il y a peu les vieux longs métrages d’animation belges basés sur les albums d’Astérix et Obélix avec mon gamin, force est de constater que même là, le sous-texte culturel, les blagues circonstancielles/sociétales passent forcément au-dessus de la tête d’un gamin de 5 ans. Évidence, allez-vous me dire, car il est trop petit pour avoir les clés. En effet. Mais j’ajouterai simplement que ces clés ne s’acquièrent pas avec l’âge quand elles concernent d’autres cultures. Et la compréhension n’est jamais spontanée si ce n’est pas une culture dans laquelle vous êtes baigné pratiquement en permanence.

C’est sans doute la raison pour laquelle la plupart des comédies US, quand elles sont très marquées sur la culture locale, me laissent généralement froid. Et sans doute également la raison pour laquelle je préfère les comédies françaises. Enfin, pas toute. Une toute petite minorité, en fait : celles qui proposent quelque chose. Prenons un exemple : Brice de Nice (avec Jean Dujardin dans le rôle principal, bien sûr), basé sur des sketches de l’époque de la bande du Carré blanc, était incroyablement idiot mais m’avait bien fait marré comme véritable film de pote à contre-courant de la recherche d’un quelconque succès commercial de masse. Le deuxième film, par contre, est d’une nullité abyssale tant dans son intention que dans sa réalisation (honnêtement, c’est l’un des pires films qu’il m’ait été donné de voir – même au 43ème degré). OSS 117 est à mille lieux de là.

Comédie tirée d’un substrat sérieux, nous ne sommes pas ici dans l’humour gras. Car si le slapstick et l’humour en dessous de la ceinture est bien présent, le film n’est pas gratuit. Il se moque d’un sujet hautement sensible en France : … les français. OSS 117, Hubert Bonnisseur de la Bath, agent des services secrets américains dans les romans des années 50 de Jean Bruce, est ici bien français. Franchouillard, même. Et c’est plutôt amusant de voir Hazanavicius décortiquer par le menu les travers du français moyen, inculte, sexiste et raciste qui pense apporter la civilisation et un certain savoir-vivre aux sauvages de ces pays exotiques. Ce premier opus (suivi quelques années plus tard par un second film et, dans les mois qui viennent, par un troisième en travaux actuellement) s’attaque à l’Égypte de Nasser et, plus généralement, aux musulmans.

Et ça touche. Ça sonne juste. Parce que, comme toutes caricatures réussies, cet OSS 117 ne déforme que légèrement nos travers, n’exagère que par petite touche, juste suffisamment pour rendre son personnage principal ridicule (« naaaan, je ne suis pas comme ça…« ) Les dialogues, ciselés, s’enchaînent à merveille entre Jean Dujardin qui bouffe l’écran avec son air de playboy abruti et un cast de seconds rôles particulièrement inspirés. Bérénice Bejo campe une locale qui résiste tant qu’elle peu à l’imbécilité de l’agent français. Aura Atika est parfaite en principe nympho, Richard Sammel en nazi nostalgique ou même François Damiens dans le rôle « du belge » ne palissent pas et prennent visiblement un malin plaisir à assumer leur rôle dans cette franche rigolade.

Au-delà de la satire, le film connait quelques moments de grâce quand le réalisateur sort de son script pour assumer un délire : l’emblématique scène du Bambino, en plus d’être raccord culturellement et historiquement parlant, est tout simplement magistrale. On rit de bout en bout. D’OSS 117 comme personnage hors de son temps, des dialogues précis qui font mouche, de la tête idiote de Dujardin « petit enfant vexé » quand il est confronté à plus malin que lui (ce qui arrive… très souvent). On rit beaucoup de nous-mêmes également. Ce qui est bien la preuve que ce Caire, nid d’espions, est bien plus malin que ce qu’il veut nous faire croire.

 

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