Will Hunting

De Gus Van Sant, 1997.

C’est une histoire comme on en tourne moins souvent, aujourd’hui. Un film à oscar, assurément, mais réalisé par un artiste qui n’a jamais chercher les titres de gloire et produits par deux monstres d’Hollywood (littéralement), les frères Weinstein, qui produisait n’importe quel bon script qui leur passait dans les mains, peu importe le genre ou le risque financier. L’histoire ne dit pas si Minnie Driver a souffert d’une manière ou d’une autre des mains (et autres organes) d’Harvey, mais ce qui est sûr, c’est que c’était assez couillu de parier sur un film de Van Sant, qui avait connu un premier succès d’estime avec My Own Private Idaho, mais pas de gros succès hollywoodien, sur un premier scénario de deux blancs-becs qui débarquaient à Hollywood, à savoir Matt Damon et Ben Affleck (bon, il est vrai aidé par leur pote Kevin Smith comme producteur exécutif).

Les deux copains, qui continuent à se croiser de films en films, malgré leurs carrières solos et leurs trajets de vie assez différents, ont débarqué initialement chez les gros studios avec un scénario de thriller, modifié en film « social » de lutte contre l’injustice de classe suite à une suggestion de nul autre que Rob Reiner. Et Rob était inspiré, c’est sûr. Tout comme Gus Van Sant a eu raison de faire confiance à sa directrice de casting, Jennifer McNamara, qui a amené sur le film des acteurs secondaires de qualité comme Minnie Driver, Stellan Skarsgard et, bien sûr, Robin Williams.

Il y a quelque chose d’émouvant, plus de 25 ans plus tard, à revoir la réaction de Robin Williams lorsque ce film lui ouvre la reconnaissance de ses pairs à travers l’oscar du meilleur acteur dans son second rôle. Tout comme celle de Damon et Affleck qui se demandent ce qu’ils ont fait pour mériter ça dès leur première apparition dans la grand-messe du cinéma mondial. Mais tout ça est parfaitement mérité : le film fonctionne toujours, toutes ces années plus tard. Son propos reste toujours valable : comment, lorsqu’on est blessé par la vie peut-on sortir d’une spirale de négativité ou d’une zone de confort pour oser vivre sa vie. Bien sûr, le film est aussi cousu de fil blanc et certains rebondissements sont forts convenus, mais l’ensemble marche exceptionnellement bien. Pourquoi ? Parce que Van Sant sait comment s’effacer devant la performance de ses acteurs. Il sait comment filmer le non-dit.

Et c’est exactement ce qu’il fait dans Will Hunting. Robin Williams, en particulier, démontre si besoin est qu’il n’est pas que le clown de ses plus grands succès au cinéma. Il est, comme Jim Carrey, un clown triste qui fait preuve d’une sensibilité extrême devant la caméra quand il incarne, réellement, un homme blessé, à la limite de la rupture. Et il vit le rôle de ce psy qui est la seule personne à trouver la clé pour parler à Will, ce gamin qui confond l’intelligence et le brio, qui confond l’humour et le cynisme. Matt Damon est lui aussi excellent dans ce rôle de jeune premier avec une gigantesque faiblesse. Tout comme Ben Affleck joue parfaitement le working class buddy qui sera pour toujours loyal à son pote.

Bref, on peut le dire de cent manières, mais Will Hunting est un film précieux. Comme Le Cercle des poètes disparus, lui aussi avec Robin Williams un peu moins de dix ans avant, on a un film sensible, simple dans les dilemmes qu’il présente, mais intelligent de bout en bout. Bien que l’on ne soit pas surpris, on ne peut s’empêcher de vivre le récit, d’accompagner Will dans son difficile passage à l’âge adulte, dans la perte progressive de ses oripeaux de chat sauvage que l’on ne peut approcher sans risquer de se griffer. Et ça marche parfaitement.

PS : je n’ai jamais réellement compris si le titre « Good Will Hunting » est également le titre international du film ou uniquement un titre de travail ou un titre de distribution pour une partie du monde. Quoi qu’il en soit, le jeu de mot inclus dans ce titre légèrement plus long en font un titre beaucoup plus malin (que l’on peut traduire par « Le bon Will Hunting » ou « A la recherche de bonne volonté« , ce qui résume parfaitement le film !)

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