Psychopompe

D’Amélie Nothomb, 2023.

Comme chaque fin d’été, la livraison régulière du dernier Nothomb m’enferme dans des souvenirs de jeunesse. La lisant depuis plus de vingt ans maintenant, la relation lecteur/auteur ne peut que se développer, même si elle est plutôt diaphane, considérant l’épaisseur desdites galettes annuelles. Cette courte piqûre de rappel est cependant toujours la bienvenue. Malgré des textes parfois inégaux, il y a toujours chez Nothomb un quelque chose qui fait vibrer mon attrait pour la langue, mon attrait pour les personnages hors du commun, l’auteure belge en étant sans doute le meilleur exemple.

Psychopompe creuse la veine de l’autofiction que Nothomb semble avoir choisie depuis plus d’une dizaine d’année maintenant. Et je parle plus volontier d’autofiction que d’autobiographie puisque, même si l’auteure se livre toujours davantage au gré de ces esquisses successives, il reste compliqué de démêler le vrai du faux. A l’instar de sa première vraie autofiction, Stupeur et tremblements (qui décrit une relation professionnelle au Japon qui ne pourrait en fait par arriver comme elle l’explique), l’épître 2023 se penche au gré des fantaisies de l’auteure sur divers passages de sa vie.

Là où la chose est nouvelle est que Nothomb ne se concentre pour une fois pas sur un épisode particulier, mais bien sur des éléments épars de son histoire personnelle. On y retrouve les années au Japon, en Chine, au Bangladesh. Mais également, pour la première fois sauf si ma mémoire me joue des tours, sur sa propre pratique de l’écriture, allant jusqu’à s’autoréférencer et, donc, à commenter ses propres productions. Et si elle semble davantage fière de ses plus récentes productions, elle aborde également son plaisir absolu de l’écriture, qui fut sans doute un exutoire bien pratique dans une vie qui était, dès son plus jeune âge, décalée. Difficile également d’estimer si les épisdes les plus sombres qu’elle narre (elle aurait été agressée physiquement dans son enfance) sont réellement arrivés : sans remettre en doute la sincérité de l’auteure dans son propos, le fantasmagorique a également sa place dans son narratif, ce qui rend compliqué une nouvelle fois de tenter de séparer le vrai du faux.

Pour finir, cependant, l’exercice est sans doute un peu vain : Nothomb est le personnage principal de ses propres romans. Elle s’attribue dans celui-ci une parentée presque surnaturelle avec la gente aviaire. D’où la thématique du psychopompe. A l’instar des nos amis ailés, l’auteure prétend ici faire oeuvre de psychopompe à travers ses romans récents (et, plus singulièrement, vis-à-vis de son père dont elle fait en effet la légende à travers plusieurs de ses romans, soit de manière très directe soit de manière détournée). Elle s’y trouve même une vocation et semble annoncer que la suite de sa carrière ira en ce sens, avec, comme toujours, la recherche de la forme la plus concise et la plus percutante.

Un roman intéressant, donc, qui nous plonge encore davantage dans la psyché de son auteure, protagoniste et antagoniste. Elle a, certainement, la légerté de l’oiseau quand elle manie la plume. Et si les envolées styllistiques de son début de carrière semble peu à peu s’éloigner, au profit d’une prose qui cherche moins l’éclat que la clarté, il n’en demeure pas moins que nous retrouvons ici une amie. Une amie qui nous confie une nouvelle tranche de sa vie et qui, malgré quelques inévitables coupes de champagne de trop, nous fait le don de quelques instants de merveille et de poésie, malgré l’âpreté de certains propos. Une bonne année, comme un bon milésime. Les amateurs sont déjà conquis.

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