The Aeronauts

De Tom Harper, 2019.

Bizarrement, The Aeronauts est ma première incursion dans les longs métrages produits directement par un des nouveaux acteurs du cinéma, façon Netflix. Et ce long de Tom Harper, réalisateur à la filmographie modeste essentiellement connu pour des téléfilms, pour la suite de Woman in Black et pour une comédie musicale anglaise du nom de Wild Rose, est ici un objet financé par Amazon pour son service en ligne Amazon Prime Video. Le film a connu aussi une distribution en salle, mais relativement modeste, essentiellement réservée à quelques festivals et quelques salles dotées d’écrans IMAX, puisque une partie du film a été tourné sous ce format aussi rare qu’impressionnant. A titre d’exemple, aucun écran belge ne l’avait à l’affiche et il aurait fallu que je me déplace aux Pays-Bas pour le voir en salle.

Pourquoi insiste-je sur ceci ? Et bien simplement car ça me permet de commenter la nature même de l’objet. Est-ce un film ? Un téléfilm ? Un épisode particulièrement long de série télé ? La réponse n’est pas simple.

En fait, The Aeronauts est une distraction tout à fait honnête. Une montagne russe de sensations et d’images impressionnantes servie par un duo d’acteurs aussi professionnels qu’efficaces. Le film nous plonge dans le Londres des années 1860. Le scientifique James Glaisher (interprété par Eddie Redmayne, toujours crédible dans ce registre qui lui a quand même valu un oscar) souhaite vérifier ses hypothèses et réaliser des expériences dans les hautes couches de l’atmosphère. Il veut démontrer que l’on peut, dans une certaine mesure, prévoir la météo. Pour cela, il a cependant besoin d’une tête brûlée, d’un aéronaute hors pair, qu’il trouvera en la personne de la veuve Amélia Rennes (jouée par Felicity Jones, actrice trop rare sur le grand écran à mon goût). Elle pilotera sa montgolfière plus haut dans le ciel londonien qu’aucun de ses prédécesseurs, bravant le froid et le manque d’oxygène, afin que James puisse mener à bien sa passion.

Bien sûr, les deux personnages ont des motivations personnelles qui les poussent à se dépasser et à démontrer au monde entier leur valeur. Nous découvrirons ces motivations à travers une série de flashbacks en costumes qui coupent épisodiquement l’ascension en ballon qui occupe le plus clair de l’heure quarante du film. Je ne m’attarde pas dessus pour vous laisser la surprise du développement. Sachez simplement qu’on est dans du très classique.

Et c’est précisément une partie du problème : le film est quand même ‘hachement cousu de fil blanc. Et sans cette distribution irréprochable, sans le côté lunatique de Redmayne ou le côté incontrôlable de Jones, on aurait certainement un film nettement plus moyen. J’exagère probablement : le film est également sauvé par des effets spéciaux discrets mais très efficaces. Je regrette d’ailleurs d’avoir vu le film dans mon salon et non dans une salle IMAX. Les plans larges en plein ciel nuageux sont parfaitement réussis et véritablement impressionnants. C’est aussi « dramatique« , comme disent nos amis anglais, que peut l’être Gravity dans ses plans larges sur le vide spatial. Et le parallèle est tout à l’honneur de The Aeronauts, puisqu’on est dans le même genre de film, sensation de vertige en plus.

[SPOILER] _LA_ scène du film, où le personnage de Felicity Jones grimpe sur le ballon à plus de 11.000 mètres du sol pour aller débloquer une valve gelée au sommet de la montgolfière, m’a littéralement fait dresser les cheveux sur la tête ! [/SPOILER] Donc, pour le côté spectaculaire et technique, le film est clairement une réussite, servi par deux acteurs au mieux de leur forme, qui se connaissent et s’apprécient (Jones jouait la femme de Redmayne dans The Theory of Everything en 2014), dans des rôles qui leur vont bien. Mais qu’est-ce que je lui reproche, alors ?

Et bien c’est simple : une mainstream-isation aussi inutile qu’affligeante. Je ne vais pas faire comme nombre de critiques sur Internet et crier au scandale sur le fait que Jack Thorne, le scénariste, a oser « travestir » la réalité historique des évènements relatés. Si le film se vante d’être « basé sur des faits réels« , je n’ai contre le fait que le scénariste adapte quelques éléments pour en faire un spectacle. Le fait d’avoir remplacé le second historique du personnage de James Glaisher, un autre scientifique anglais en redingote, par une femme librement inspirée d’une aéronaute française décédée 45 ans avant les faits relatés dans le film n’est pas fondamentalement un problème. Cela rajoute une tension dramatique et apporte des nouveaux enjeux au film. De la même manière que les péripéties de vol contées dans le film sont certainement exagérées/excessives par rapport à la réalité du vol de 1862. Mais c’est tant mieux : The Aeronauts est un divertissement, pas une docu-fiction sur l’invention de la météorologie.

Non, mon problème est dans l’excès hollywoodien des adaptations prises par le script. Pourquoi le scientifique est-il obligatoirement un doux rêveur qui s’oppose à ses collègues retords et rétrogrades (à ce titre, The Theory of Everything était nettement plus sobre dans ses ressorts dramatiques) ? Pourquoi est-ce que le personnage d’Amélia Rennes doit-être le symbole d’un féminisme d’avant-garde (pour l’époque) aussi déplacé qu’irréaliste ? Un personnage féminin fort dans un film d’époque doit-il forcément voir son discours parasité par une caution morale très XXème siècle du « we can do it » ? Pourquoi, enfin, avoir caster Himesh Jitrenda Patel dans le rôle du « copain » scientifique de James Glaisher, qui sera le seul à le soutenir dans sa démarche ? Je n’ai rien contre l’acteur, mais un Indien à la Royal Society au XIXème siècle ? Réellement ? Qui va le croire, ça ?

Bref, The Aeronauts est un film spectaculaire, mais qui est réellement brimé par son intention de plaire au plus grand monde. En gommant une partie de la réalité historique qu’il est censé représenter, en incluant dans le script des poncifs de diversité hors-de propos et anachronique, le scénariste Jack Thorne a en fait desservi le film. Et c’est avec ceci que je reviens sur le début de cette critique : non, The Aeronauts n’est pas réellement un film de cinéma. Il en a le goût et l’aspect. Mais son script édulcoré et le manque de risque que cela entraîne le rapproche davantage d’une production télé. Au final, on a donc un objet hybride, agréable à regarder, mais qui s’oubliera très vite en raison d’un scénar tellement convenu qu’il en devient interchangeable. Dommage.

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