La saison de la sorcière

De Roland C. Wagner, 2003.

Feu Roland C. Wagner était un trublion de la littérature SFFF francophone. Si j’ai déjà parlé de lui dans ces colonnes, c’était pour un hommage amusé et amusant à H.P. Lovecraft et, donc, un texte relativement mineur. La saison de la sorcière est également un texte mineur de l’auteur. Il faudra que je m’attaque un jour aux Nouveaux mystères de Paris ou l’imposant Rêves de Gloire. Mais entretemps, il faudra donc se contenter de La saison de la sorcière.

Et qu’est-ce ? Et bien, pour résumé, c’est de la SF de banlieue, de la SF engagée et résolument anti-américaine. Nous sommes en 2003 lorsque l’opus sort : les États-Unis de George W. Bush ont envahi la moitié du Moyen-Orient pour se venger du 11 septembre et, surtout, pour défendre leurs intérêts pétroliers. La France, en la personne du fantasque Dominique de Villepin, se prend alors pour l’objecteur de conscience. 11 septembre ou non, le discours de de Villepin à l’ONU résonne dans les couloirs de la diplomatie internationale comme un rappel à l’ordre : l’ogre américain, le gendarme du monde, ne peut pas faire ce qui lui plaît. Et La saison de la sorcière est la manière que C. Wagner a d’exprimer son soutien à cette idée de rébellion, de presque résistance (sans pour autant épouser les convictions de la classe politique d’alors, hein !).

La saison de la sorcière débute donc avec la sortie de prison de Fric. Ce jeune de la banlieue pauvre parisienne va revoir ses potes de la cité et espère choper un joint ou l’autre pour se remettre de son abstinence en cabane. Pas de bol, ses potes et lui tombent dans un bar sur un soldat américain qui vient débarquer. Ils lui piquent son blé à la fin d’une soirée bien arrosée et le tabassent pour la forme. Mauvais calcul. Surtout quand on sait que la France est devenue un protectorat américain depuis qu’un groupe de terroristes nouveaux, composé de magiciens, a commis plusieurs attentats sur le sol de vielle Europe : la Tour Eiffel a été dérobée par un ptérodactyle géant ; le Tower Bridge a disparu et le Palais du Schönbrunn s’est transformé en un énorme bonbon. Les régimes politiques, un peu partout sur la planète, virent à droite et tombent dans la parano sécuritaire. Même si ces attentats n’ont fait aucune victime, l’apparition de la magie qui frappe aveuglément les nations crée un traumatisme dans des populations habituées à une démocratie ouatée qui leur offre un confort matériel et social certain.

Ni d’une ni de deux, les U$A (ce n’est pas de moi, ni même de C. Wagner, mais c’est comme ça qu’il l’écrit dans le bouquin) se sentent pousser des ailes : ils s’installent dans la pays « amis » pour aider à traquer ces insaisissables terroristes magiciens pour éviter, bien sûr, une attaque sur le sol de la mère patrie. Parallèlement, une équipe de barbouzes ricains, dans un pays en voie de développement indéterminé, mettent la main sur une véritable sorcière. Ramenée chez l’Oncle Sam, on lui fait subir un lavage de cerveau pour qu’elle devienne la nouvelle égérie de l’armée américaine et le porte-étendard de la résistance magique contre les terroristes forcément gauchistes et sans doute musulmans (dans l’esprit des ricains, of course).

Vous l’aurez compris, le parallèle n’est pas réellement subtil et le message du roman est asséné à la truelle. Si les raccourcis politiques de Roland C. Wagner font parfois sourire par leur exagération, je peux imaginer qu’il a choisi l’exagération (souvent) et le cliché (parfois) pour être sûr que son message soit compris par un lectorat peut-être plus jeune. Le mérite de l’hyperbole est qu’elle rend la fable lisible au premier coup d’œil. Est-ce que cela fait un bon roman ? Je ne sais pas. La plume de C. Wagner et sa capacité à pondre un scénar qui tienne la route avec des personnages hauts en couleur et des dialogues percutants sauvent le bouquin. De fait, c’est plutôt fun à lire. Mais ce n’est certes pas le livre du siècle. La fin, qui tombe quand même ‘hachement à plat révèle au besoin la faiblesse principale du livre : si c’est un opuscule à charge contre l’administration Bush qui était le but, la SF dispose de moyens nettement plus subtils pour faire passer le message. Plus subtils et plus marquants. Reste un court roman assez fun, mais qui sera, je le crains, vite oublié.

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