Treis, altitude zéro

De Norbert Merjagnan, 2011.

Quelques semaines après Les Tours de Samarante, premier opus de cette saga de SF française, me voilà à reprendre mon clavier pour vous parler à nouveau de l’écriture exigeante et l’histoire sinueuse proposée par Norbert Merjagnan. Si le premier opus débutait à la manière d’un roman cyberpunk pour enchaîner sur un crescendo de révélations, je m’attendais à entamer ce second tome dans le vif du sujet. Mais, non. Merjagnan prends à nouveau son temps (et celui du lecteur) pour entamer son bouquin : 100 pages d’intro qui n’ont que peu de liens (visibles, au premier abord) avec le premier tome sont nécessaires avant de retrouver Cinabre, Oshagan ou encore Triple A. Et toutes une tripotée de personnages secondaires nouveaux.

Et c’est un poil dommage, quand même. Je finissais la précédente critique en espérant que l’auteur profiterait de ce second opus pour clôturer quelques trames laissées ouvertes en fin de premier tome. Mais que nenni ! au lieu d’en fermer, Merjagnan en ouvre des autres. Un paquet d’autres, pour être précis. Triple A se retrouve donc embarqué à nouveau dans une histoire impossible où il est l’objet de puissances plus grandes que lui, même s’il se révèle toujours plus « exceptionnel » dans sa volonté de vivre. Cinabre a toujours autant de problèmes avec son identité et se transforme de plus en plus en l’Oracle de Matrix. Et Oshagan… et bien, il ne sert strictement à rien dans ce livre. Non, sérieusement : à rien (si ce n’est à créer un lien avec sa sœur, nouveau personnage clé de l’intrigue).

On découvre aussi un nouveau méchant, bien plus machiavélique encore que le précédent, mais toujours obsédé par le Seuil (cette date hypothétique dans le futur où l’humanité « améliorée », « 2.0 » sera créée). Entouré de sbires toujours aussi patibulaires. L’univers, quant à lui, se développe toujours par petites touches, à travers des allusions plus ou moins indirectes et des dialogues alambiqués où il faut être très attentif pour assimiler la prose toujours très exigeante de Merjagnan. Très, ou trop ? La question se pose d’ailleurs. Là où le premier tome versait souvent dans l’écrit éthico-philosophique, ce second tombe volontiers dans le verbiage technique. L’appendice, nécessaire glossaire de la novlangue inventée pour l’occasion, s’alourdit de nouveaux termes abscons pour désigner des réalités classiques à tout romans d’anticipation. Bref, Merjagnan tombe dans le piège de vouloir faire de la forme au détriment du fond.

L’histoire reste intéressante, hein : ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit. Mais on perd pas mal de temps dans des considérations techniques ou pseudo-philosophiques (encore) qui alourdissent le récit et rendent certaines scènes un peu ridicules. Le parallèle avec l’Architecte de Matrix prend tout son sens ici (et je sais pertinemment qu’il y a des gens pour crier au génie à l’Architecte. Je n’en fais pas partie, vous l’aurez compris).

Dernier clou dans le cercueil : alors que je croyais avoir affaire à un diptyque, il apparait que Merjagnan prévoyait une trilogie (dont le troisième tome n’est donc jamais sorti – ni écrit ?). Le bouquin se termine donc avec un nouveau crescendo qui ne résout rien et ouvre, une nouvelle fois, de nouvelles trames toujours plus ambitieuses que les précédentes. Je révise donc mon jugement sur l’ensemble : si l’on pouvait se réjouir de la fraîcheur et de l’ambition du premier roman, avec un auteur dont c’était la première œuvre et qui montrait là un talent certain avec sa plume et une capacité à intégrer de nombreuses références pour créer son propre terrain de jeu, ce second tome pêche par un trop plein d’ambition. A vouloir trop faire, on perd le sens. Dommage.

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