Les rivières de Londres

De Ben Aaronovitch, 2010

Le dernier apprenti sorcier, tome 1

Comme je suis un incorrigible optimiste, je me lance dans une nouvelle saga fantastique alors que j’en ai au minimum trois ou quatre en court sur ma PAL nocturne. Mais soit, il arrive un moment dans la vie où il est trop tard pour se corriger. Au tour de la saga du dernier apprenti sorcier, savant mélange entre un whodunit traditionnel et de la fantasy à l’humour désopilant pur jus (assez justement décrit par la presse comme la rencontre d’X-Files et Doctor Who, même un Harry Potter vs. Sherlock Holmes marche aussi), à son tour donc de me tomber dans les mains.

Précédé d’une bonne fanbase sur le net qui attend chaque nouvel opus comme le saint-graal, j’anticipais donc une lecture fun et accrochant. De fait, c’est plutôt un succès pour le côté fun. On ne s’ennuie pas une minute en suivant Peter Grant, flic métisse un peu distrait de la capitale londonienne, lorsqu’il se retrouve propulsé dans le domaine de l’étrange en devenant le nouvel assistant de l’Inspecteur Nightingale. Ce dernier lui explique bien vite que chez lui les nouveaux ne sont pas des assistants, mais bien des apprentis. Car Nightingale n’est pas un flic comme les autres : il a la charge de faire respecter la Loi (ou les vieux équilibres et autres pactes ?) dans le monde interlope du surnaturel.

Et, pas de bol, le livre s’ouvre sur un meurtre étrange. Il faudra donc pas mal de tact, de patience et de chance à Peter Grant et son mentor pour démêler le vrai du faux et mettre la main sur le fantomatique coupable de ce qui ressemble chaque jour de plus en plus à une affaire de meurtre en série de l’au-delà. Pour le côté fun, roller-coaster d’émotion, Les rivières de Londres remplissent donc parfaitement leurs promesses. Cependant, pour être honnête, j’ai encore un peu de mal à accrocher aux personnages. Si Grant est l’exemple type de l’ingénu confronté à un monde qu’il ne connait pas et dont il doit assimiler les règles à grande vitesse et Nightingale est l’exemple type du mentor mystérieux qui lâche son savoir au compte-goutte, l’alchimie entre les deux fait encore largement défaut dans ce premier tome.

Je suis également gêné par le fait que même si la magie nous est décrite comme anormale dans le contexte de l’histoire, le secret de son existence semble quand même franchement mis à mal sans que cela ne pose plus de problème que cela. Le nombre de personnages croisés qui acceptent pratiquement sans broncher l’irruption du surnaturel dans leur vie me semble quand même franchement élevé si l’on pense nous faire croire que la magie est un art caché et inconnu du grand public. Et les protagonistes eux-mêmes de ne pas faire beaucoup d’efforts pour cacher leurs pouvoirs et leurs opérations spéciales. Peter lui-même, bien qu’assez cartésien, n’éprouve qu’une demi-surprise lorsqu’il rencontre un fantôme la première fois et ne semble pas plus bouleversé que cela lorsqu’il devient progressivement l’apprenti magicien éponyme de la saga.

Un autre aspect qui m’a fait un peu sortir du bouquin par moment est le fait que les « règles » de ce monde magiques semblent évoluer au fur et à mesure des besoins de l’enquête (et de l’auteur, par ailleurs). Si la pièce débute par quelques règles de magie simple et quelques sorts qui, par cette simplicité directement reconnaissable, donnent la mesure du pouvoir des protagonistes et si l’on reconnait aisément quelques figures du fantastiques (fantômes, vampires, extra lucidité), j’avoue que l’irruption de dieux ou demi-dieux à la manière des American Gods de Gaiman dans le récit noie un peu le poisson. Ceci sans mauvais jeu de mots, considérant que les Dieux en question sont les incarnations des rivières de Londres, qui donnent leur nom à ce premier opus.

Je pinaille probablement sur des détails, mais je suis un peu chagriné de constater qu’après les 400 pages de ce premier tome, la relation des personnages entre eux n’a que peu évolué et que le voile n’a finalement été que très partiellement levé sur un monde qui semble intéressant, mais que l’on découvre réellement par la petite porte. C’est probablement dû au choix du style de récit : l’angle policier nous fait découvrir un univers par sa lie et par ses anecdotes parfois triviales, mais d’autres s’en sortent mieux avec le même postulat de base. Ainsi, Pierre Pevel avec ses Enchantements d’Ambremer parvient à mes yeux à embarquer le lecteur beaucoup plus rapidement dans son monde de fiction.

Les rivières de Londres n’en demeure pas moins un bouquin fort agréable à lire. S’il y a quelques longueurs ici et là (notamment vers la fin, qui piétine un peu), le bouquin est réellement amusant, émaillé ci et là de références geeks judicieusement dispensées et trouve un bon équilibre entre les phases d’apprentissage et les phases plus noires et violentes consacrées à l’affaire qui nous occupe dans ce tome. Si les motivations finales du criminel me laissent un peu dubitatif, la mécanique de l’enquête est assez efficace et la progression de sa résolution assez bien dosée. Reste qu’il s’agit sans doute d’un exercice ingrat de débuter par un premier tome qui a pour difficile tâche de décrire un monde et des personnages nouveaux tout en faisant avancer l’intrigue : cela peut donner de brillantes réussites ou un bouquin un peu bancal où aucune des deux pistes n’est réellement creusée jusqu’au bout. Je situerai ce premier tome dans la deuxième catégorie, malheureusement. Espérons que le second souffre moins d’un placement de décors un peu décevant pour se pencher à fond dans son enquête en étoffant ci et là ses personnages et son lore interne.

Le livre des sœurs

D’Amélie Nothomb, 2022.

Lorsque Gallimard aura réussi, en 2048, à racheter les droits des romans d’Amélie Nothomb à Albin Michel pour les republier dans un modeste tome de la Pléiade (que les puristes de la littérature française se calment : j’use ici d’un procédé fictif de mise en situation, je ne dis pas que Nothomb a sa place à la Pléiade…), il sera intéressant de lire ce qu’un universitaire obscur d’une fac littéraire parisienne indiquera dans le forcément très fouillis appareil critique. Tentons l’exercice : « Avec Le livre des sœurs (2022), l’outre-Quiévraienne ne se cache plus derrière de faux-prétextes et des intrigues liminales ; elle assume finalement le fait que ses romans parlent d’elle et uniquement d’elle. Sans être une biographie à proprement parler et sans se perdre dans les délires narcissiques de l’autofiction, Nothomb franchi ici un cap en se mettant plus que jamais clairement en scène dans une intrigue imaginaire. L’excès de ses personnages n’a qu’un et un seul sens : montrer que les individus hors-normes ne sont pas forcément héroïque. Ils traversent la vie comme ils le peuvent, à l’instar de l’orpheline sentimentale Tristane, toujours à cheval entre le prosaïque d’une vie familiale dysfonctionnelle et la fuite en avant de sa mythopoïétique personnelle. »

Bon, ça ne sonne pas assez érudit, mais je fais ce que je peux à l’instinct. Le livre des sœurs, en effet, nous parle à nouveau d’Amélie et de ses liens familiaux. En y ajoutant le prétexte du désamour parental et d’une fascination adulescente pour le rock, Amélie nous parle d’elle-même et de sa sœur. Cela donne, comme toujours, un très court roman qui hésite entre le tragi-comique et l’anecdotique, sauvé, là aussi comme toujours, par un style et un rythme qui lui son propre. Ce n’est pas dans ce 31ème opus successif qu’elle innovera sur la forme, mais au moins laisse-t-elle transparaître de plus en plus clairement ses propres pathos au fil des livres. Moins délirant que Stupeur et tremblements, moins martial que ses dernières fournées, Le livre des sœurs marque un retour à une certaine légèreté du portait de personnages « bigger than life » qui ne vivent que des aventures ordinaires.

On suit donc la vie de l’effacée Tristane, qui par suite d’un désamour involontaire de ses parents, compense ce manque sur sa petite sœur, au point de former un duo fusionnel que seul le passage à l’âge adulte tempèrera. Il est étonnant d’ailleurs de lire un développement « raisonnable » de ses personnages, qu’on a connu souvent beaucoup plus absolutistes et jusqu’au-boutiste dans d’autres romans de Nothomb. Mis à part ceci, le livre est assez sage. Bien qu’il use, là aussi un grand classique pour l’auteur, d’une mort abrupte et imprévisible pour marquer le passage d’un acte à l’autre du récit classique que ce roman développe, il reste très sage et très linéaire. Et sans doute un poil prévisible. Notons pour finir une fin abrupte et assez mal exploitée. Si l’effet coup de poing recherché par Nothomb pour conclure ses trajectoires romanesques est bien là, le roman aurait certainement gagné à développer davantage la relation mère-filles et la déchéance finale de la première citée en une bonne dizaine de pages supplémentaires en fin de volume. Mais peut-être est-ce demander trop de normalité à un auteur qui semble de plus en plus chercher l’épure dans la forme courte que le développement dans une forme plus complexe ?

La profondeur des tombes

De Thierry Di Rollo, 2003.

Cela faisait bien des années que je n’avais pas relu du Di Rollo. Pourtant, son style enjoué, sa plume picaresque et l’humour omniprésent font de ses œuvres de vraies parties de plaisir ! … Naaaaan, je déconne. Ça ne rigole pas des masses, dans les romans de Di Rollo. Que du contraire : le nihilisme, le désespoir et l’horreur à échelle humaine suintent de chacune de ses pages. Et La profondeur des tombes, comme son titre le laisse entendre, est du même tonneau que les autres bouquins que j’ai lu de lui.

Dans un futur postapocalyptique, causé non par la guerre mais par l’extinction des ressources énergétiques qui pousse collectivement l’humanité à retomber sur le charbon, quitte à détruire encore plus vite ce qui lui reste de futur, un homme seul erre au sens propre comme au sens figuré. Porion dans une mine dantesque où la vie humaine n’a que peu de prix, il est chargé de vérifier le travail des uns et des autres et d’amener un nouvel animal synthétique à un « fouineur » chargé de dénicher les nouveaux filons de centaines de mètres sous terre. Il remonte dans la nuit continue, sous un ciel continuellement sombre et dans le froid ambiant causé par la couche de pollution qui voile le soleil faiblard en journée, après avoir traversé des galeries pleines d’âmes en peine.

A la surface, la misère d’une vie solitaire et ses souvenirs l’attendent. Jusqu’au jour où il craque et détruit l’équilibre fragile de sa vie d’esclave lâche et complaisant pour poursuivre une idée, un rêve, dans l’U-Zone, cette grande région de non-droit qui entoure les quelques poches citadines anonyme où l’humanité survit petitement. Il sera accompagné par un ersatz de sa fille, sous la forme d’un répliquant détraqué en fin de vie mécanique et d’une hyène de garde, génétiquement créée et modifiée pour lui obéir en toutes circonstance. Que fera cet homme désespéré, brisé, lorsque son histoire personnelle le rattrapera ?

Et bien il faudra lire le bouquin pour le savoir. Court roman, dur, froid et désespéré, Di Rollo, comme Number Nine, Archeur ou encore La lumière des morts, signe un voyage presque personnel, une étude psychanalytique d’un homme brisé qui a perdu sa raison d’être et de vivre et qui s’enfonce toujours plus loin dans ses illusions. Di Rollo ne se dit pas influencé par K. Dick pour rien : il parvient à dresser en quelques paragraphes disséminés ci et là le portait d’un monde futuriste affreux dont les règles, parfois plus symboliques que pratiques, entraîne invariablement le protagoniste dans une descente aux enfers où souvenirs et présent, où réalité et fictions se mêlent dans un flou violent et presque absurde. Désespérément beau, Di Rollo a également le sens de la fulgurance et la capacité à toucher son lecteur avec quelques tableaux impressionnistes où les trajectoires de vie se croisent et s’éteignent.

A réserver à ceux ne s’enfoncent pas eux-mêmes dans des spirales négatives lorsqu’ils lisent celle d’un autre. Et à classer dans ce genre finalement très française du postapocalyptique personnel, psychologique et pratiquement absurde (le Mondocane de Barbéri m’est revenu en tête à plusieurs moments). Un bon roman, pour autant qu’on est sensible à ce que Di Rollo tente de démontrer. Et pour autant qu’il tente effectivement de démontrer quelque chose et pas simplement de plonger son lecteur dans une expérience de l’absolu, sans concession à la bienveillance ou même au récit en tant que tel.

Premier sang

D’Amélie Nothomb, 2021.

Comme chaque année, en août, vient le temps de chroniquer le nouveau Nothomb. Et la vendange précoce est plutôt bonne, en 2021. Nothomb nous habitue depuis des années maintenant à alterner entre les textes de fiction pure et les textes (plus ou moins) autobiographique. Celui-ci est à ranger parmi les derniers. Elle n’y parle cependant pas d’elle, mais bien de son père, Patrick Nothomb, baron et diplomate, qui fut longtemps en poste en Asie, ce qui explique la jeunesse chinoise et japonaise de l’auteure à chapeau. Et l’on apprendra dans cet opus que son premier poste, à l’orée des années 60, était au tout jeune Congo indépendant d’alors et que l’affectation ne fut pas de tout repos.

Alors que le roman s’ouvre sur son père dans la vingtaine, en poste dans l’ancienne colonie belge, face à un peloton d’exécution composé de rebelles indépendantistes de l’Est du pays (60 ans plus tard, les choses n’ont pas réellement changé, doit-on amèrement constater), Nothomb digresse bien vite sur la jeunesse de son père. Elle nous sert alors la trajectoire de vie, sans doute largement fantasmagorique et exagérée, de son géniteur. Pas de prénom étrange cette fois-ci, mais bien une famille désaxée, où la mère (et grand-mère d’Amélie), veuve trop jeune, n’a que peu d’amour à offrir à ce fils délicat et intellectuel, qu’elle confiera à ses propres parents pour mener une vie dans le gotha belge de l’époque.

De constitution fragile et entouré essentiellement par des femmes, le petit Patrick est, selon son grand-père maternel, colonel à la retraite de l’armée belge, peu armé pour affronter la vie. On l’enverra alors pendant les mois d’été apprendre la vie à la dure dans le château du grand-père paternel, le baron Nothomb qui erre, un peu perdu dans ces premières décennies du XXème siècle, dans son château décrépit de la campagne luxembourgeoise (la province belge, pas le Grand-Duché). L’homme en question, poète raté, est à la tête d’une famille nombreuse où les enfants plus jeunes sont laissés plus ou moins à l’abandon, devant se débrouillé pour survivre jusqu’à l’âge adulte malgré les assiettes souvent vides et le confort inexistant. De ces vacances d’été et d’hivers, le jeune Patrick apprendra la vie en communauté, le sentiment de faire partie d’une bande et, surtout, l’instinct de survie, qui sera la clé du reste de sa vie.

Et Nothomb d’enchaîner avec la suite de la vie de son père, de manière plus brève mais toujours décalée avant de rattraper le présent et d’offrir dans les derniers chapitre la conclusion de la situation tendue qui ouvrait le roman. Impossible de dire, à la lecture de Premier sang, ce qui relève de l’histoire et ce qui relève de la licence poétique (dont l’arrière-grand-père d’Amélie usait et abusait comme cache-misère, visiblement, malgré la fascination qu’il exerçait chez ses interlocuteurs). Mais qu’importe. Le style Nothomb, la mécanique de ses portrait sociaux de personnage hors norme et ses diverses obsessions nourrissent à merveille ce portrait qui se veut plus intimiste, moins moralisateur et sans doute plus franc que ses œuvres plus romanesques. Il y a, en effet, une sorte de proximité qui s’installe entre le lecteur et les personnages, proximité plus grande que dans ses récits de fiction, qui rend l’ensemble plus touchant, plus vivant, plus humain.

Si je regrettais l’année passée qu’elle n’ait pas creuser davantage la veine de Soif, qui la faisait davantage sortir de ses sentiers battus, je ne peux qu’avouer être séduit par ce retour aux affaires qui rapproche ce Premier sang d’un Journal d’hirondelle ou de Ni d’Eve ni d’Adam. Une bonne cuvée, malgré les vendanges précoces habituelles pour Amélie Nothomb qui aime à ouvrir la rentrée littéraire avec sa courte fulgurance, comme chaque année depuis 30 ans maintenant.

La maison aux fenêtres de papier

De Thomas Day, 2009.

Il est toujours intéressant de revenir à Thomas Day, de temps à autre, quand on est en forme. C’est toujours un coup à vous mettre une bonne grosse déprime. Enfin, pas réellement une déprime : plutôt une rage impuissante. Day adore en effet malmener ses personnages. Et ses lecteurs. Et dans cet opus de 2009, il n’hésite pas. Hommage avoué à Fukasaku Kinji, Takashi Miike et Quentin Tarentino (avec de grosses influences de « Beat » Takeshi Kitano et Urostukidoji), le livre fait dans le gore et le dérangeant. En résumé, deux démons règnent sur la pègre japonaise. Et ce n’est pas une image : ce sont réellement des Oni, avec les cornes et tout le tintouin. Ils sont nés en 45 à Hiroshima et à Nagasaki à trois jours d’intervalle, au coeur de leur fournaise nucléaire respective. Et ils ont pris le contrôle de grands clans de yakuza. L’un est sombre, l’autre est clair. Tous deux sont d’horribles monstres, littéralement.

Nagasaki Oni, le sombre, a « éduqué » Nagasaki Sadoko, une femme panthère qu’il destine à sa propre succession. Attention aux âmes sensibles, l’éducation en question est gore et très très malsaine. Comme Sadoko le professe dans le roman, l’amour est sale par nature et elle ne connait que cela. Et cet amour la transformera en assassin extrêmement efficace, sur la piste de son fils perdu et d’un avenir où elle serait enfin libre d’être elle-même. Je n’en dirais pas plus sur l’histoire principale, histoire d’éviter de vous gâcher le plaisir de lecture. On notera cependant que le livre s’ouvre et se ferme sur deux contes sud-asiatiques, deux légendes qui concernent la vengeance, la trahison, la chasse au démon et l’origine de l’arme épique qui permet de terrasser les démons. Comme les deux faces d’une même personnalité, le blanc et le noir, le ying et le yang.

La faconde de Day porte tant les contes que le récit principal avec une plume sans concession. Ça saigne beaucoup, ça torture allègrement et ça se lance de temps à autre dans des envolées lyriques sur la liberté, le sexe, la vengeance ou la loyauté. Il en profite aussi pour partager avec nous son amour de la (contre-)culture japonaise, sa fascination pour les yakuzas, sa passion immédiate et inconditionnelle pour Kill Bill. Évidemment, on pourrait gloser également sur le côté un peu morbide de la chose. Je trouve, par exemple, que le coté très très trash de l’éducation sexuelle (si l’on peut appeler ça comme ça) de la pauvre Sadako est peut-être un peu too much. Thomas Day a clairement lu le marquis de Sade et ladite lecture l’a marqué et inspiré.

Mais peu importe si ça tombe de temps à autre dans une forme de provoc pour la provoc. De livre en livre, les quelques faiblesses de Day se reconnaissent facilement. Elles forment cependant un tout avec ses forces. Ce n’est qu’en détaillant l’horreur en pleine lumière qu’il sait créer des personnages inoubliables, toujours plus complexes et épais qu’ils semblent au premier abord. Il joue aussi très bien avec les clichés cinématographiques pour créer sa propre histoire, sa propre mythologie. Et nous embarque volontiers dans son trip. Est-ce que Day est la meilleure plume de la scène SFF francophone ? Construit-il des récits inoubliables qui marqueront les générations à venir ? Sans doute pas. Mais ça reste incroyablement efficace et jouissif quand on aime la littérature de genre. Et c’est déjà pas mal !

PS : cerise sur le gâteau, l’exemplaire que j’ai acheté en bouquinerie est signé par l’auteur ! Perso, je trouve un peu étrange de se séparer d’un bouquin dédicacé par son auteur (surtout quand la dédicace est personnelle, comme c’est le cas ici). Il se trouve en plus que je connais l’ancien propriétaire pour avoir travaillé avec lui pendant quelques mois il y a des années (l’homme en question est un journaliste culturel belge dont la SF est le violon d’Ingres). Tant pis pour lui, je conserverai le roman à sa place !