Druide

D’Olivier Peru, 2010.

Cela fait déjà quelques semaines que je procrastine cet avis. Mon problème est de trouver un angle d’attaque original, pour illustrer ce titre maintes fois critiqué sur la blogosphère SFFF. Et j’avoue, pour une fois, devoir donner ma langue au chat. Je ne vois pas comment être original par rapport à ce premier roman d’Olivier Peru, auteur de scénars BD chez Soleil et de séries jeunesse. De fait, je n’ai pas grand chose à dire sur Druide. Le livre est plaisant, il se lit facilement, la construction du récit qui débute comme une course contre la montre pour mener à bien une enquête façon policier donne envie de découvrir la suite.

Même le monde de Druide, où la caste en question (i.e. les druides, pour les deux distraits du fond à gauche) est considéré comme la caste des sages qui peuvent démêler les sombres histoires d’intérêts entre nations belligérantes, est un monde sympathique. On y suit les aventures d’Obrigan, maitre druide accompagné de ses deux apprentis, qui est chargé d’élucider un massacre dans une forteresse militaire qui pourrait servir d’excuse à un conflit armé entre les deux grandes nations du Nord d’un continent imaginaire. Et, bien sûr, les apparences sont trompeuses et le massacre semble bien vite avoir été perpétré par des êtres surnaturels animés de sombres desseins.

Voilà-voilà. Ceci est très plaisant. Mais ça ronronne pas mal, niveau prise de risque. Du coup, pour peu qu’on ne soit pas néophyte en fantasy (et… ce n’est pas mon cas), on est en terrain tellement balisé qu’on s’ennuie un peu. Comprenez-moi bien : il est reposant, parfois, de prendre un bouquin, façon lecture de plage, et de se laisser bercer par des personnages relativement standards vivant des aventures relativement classiques. C’est bien pour recharger les batteries et s’attaquer à une lecture plus exigeante par après. Le problème, c’est quand on essaie de la commenter, à postériori. On ne trouve pas grand chose à dire.

Pour être peut-être un peu plus constructif, je peux tout de même ajouter les éléments suivants : Druide, malgré son succès, souffre de quelques traits typiques des premiers romans. Peru, qui s’attaque avec ce roman pour la première fois au format long, s’est un peu laisser embarquer dans son histoire. Du coup, il a soit voulu trop en mettre, soit n’en a pas mis assez. On sent que, comme tout bon auteur de fantasy qui se respecte, il avait des idées pour une trilogie. Le problème, c’est qu’il a tout mis dans un tome. Du coup, les personnages sont très unidimensionnels, certains aspects du world/lore-building sont à peine esquissés (genre… la magie des druides, par exemple) et les rebondissements, pour s’insérer dans le récit, sont finalement assez prévisibles. Bref, Druide, malgré son rythme paradoxalement assez lent sur les 200 premières pages, tient davantage d’un brouillon que d’une idée réellement maîtrisée, ce qui donne cet aspect très « rushé » à la conclusion ou aux passages moins orientés action qui auraient du nous faire découvrir et aimer ses protagonistes.

Laissons cependant à Peru le bénéfice du doute. Maintenant qu’il s’est fait ses premières armes et qu’il a entamé une nouvelle trilogie de fantasy (bien sûr !) avec Martyr, peut-être se rappellera-t-on de Druide dans quelques années avec nostalgie comme d’un roman de jeunesse qui lui aura servi à construire son style et sa maîtrise du format long. Et, sinon, Druide restera une lecture plaisante, très sage, rapidement lue et rapidement oubliée. On a connu pire.

Au-delà de la planète silencieuse

La trilogie cosmique, tome I.

De C.S. Lewis, 1938.

Premier roman de fiction rédigé par C.S. Lewis et premier tome de ce qui deviendra la trilogie cosmique (qui devait compter un quatrième tome, laissé inachevé par la mort de son auteur), Au-delà de la planète silencieuse accuse son âge. Rédigé comme une forme d’hommage aux grands textes d’H.G. Wells, que C.S. Lewis cite à plusieurs reprises dans l’incipit et le corps du texte, ce premier tome en prend en fait le contrepied exact. Alors que l’extra-terrestre est forcément vil chez Wells (des morlocks de la Machine à explorer le temps aux martiens de la Guerre des mondes), c’est l’homme lui-même qui, dans Au-delà de la planète silencieuse, est source du mal.

On suit dans ce premier opus les aventures de M. Ransom, philologue de son état, kidnappé par une connaissance de jeunesse pour servir de sacrifice humain sur une lointaine planète après un éprouvant voyage inter-stellaire. Mais Ransom parvient à s’échapper et sympathise avec les peuplades indigènes (non-humanoïde) grâce à ses facultés linguistiques. Il sera alors convoqué par la divinité locale qui cherche à comprendre qui sont ces hommes venus d’une lointaine planète ou, plutôt, quels sont les motifs qui les poussent à des comportements incompréhensibles à leurs yeux.

Et… c’est à peu près tout ce qui se passe dans ce premier tome. Malgré ses maigres 250 pages, en gros caractères, dans l’édition poche de Folio SF, Au-delà de la planète silencieuse cache mal ses défauts d’écriture et de rythme. Lewis, jusque là, s’était essayé à la poésie, aux essais universitaires et à l’apologétique chrétienne, mais pas encore au roman. Et l’on sent qu’il a du mal à trouver un rythme dans ses écrits, alternant maladroitement les dialogues et les scènes plus introspectives. Lewis se perd d’ailleurs plusieurs fois dans des tentatives de description d’expérience sensorielle qui sont plus frustrantes et inutiles que réellement éclairantes pour l’intrigue ou le développement des personnages.

S’il tente de rester proche d’un rythme lent et descriptif, comme celui qu’H.G. Wells adopte dans la guerre des mondes, il le fait, je le répète, avec moins de bonheur. D’autant plus que 40 séparent les deux textes, 40 ans qui ont vu la société et le lectorat se moderniser drastiquement, ce qui aurait dû avoir un impact important sur un texte d’anticipation. Mais c’est là que nous abordons la vraie question de cette critique : Au-delà de la planète silencieuse est-il réellement un roman d’anticipation ? Si, comme son collègue et ami J.R.R. Tolkien, C.S. Lewis précise bien que son roman n’est en rien une allégorie, peut-on réellement le croire sur parole ?

Tous les lecteurs un peu attentifs vous confirmeront que le Monde de Narnia, au-delà d’être une formidable série de livres pour enfant, sont également une parabole chrétienne où le lion Aslan endosse volontiers le rôle de Dieu. C’est d’autant plus clair quand on lit les deux derniers tomes rédigés par Lewis, qui sont chronologiquement le premier et le dernier tome du Monde de Narnia : ces tomes servent respectivement de genèse et d’apocalypse à son univers. Et, finalement, Au-delà de la planète silencieuse joue sur le même registre, mais avec des ficelles nettement moins subtiles. Ransom, lorsqu’il découvre les différents habitants de Mars (car c’est bien sur Mars qu’il se rend) se rend petit à petit compte qu’il côtoie en fait ce qui s’approche le plus du paradis terrestre (celui-ci ayant disparu des millénaires plus tôt suite à la trahison d’un des êtres supérieurs, enfermé depuis lors sur Terre). Il n’y a qu’un pas, facilement franchi, à tracer un parallèle entre « l’entité supérieure » en charge de chaque planète et un archange, aidé dans sa mission ordonnatrice par un peuplade d’êtres de lumière difficilement visibles que l’on pourrait qualifier d’anges. Et tout ce beau monde de suivre les préceptes d’un être immatériel, qui est partout et nulle part à la fois et qui incarne la connaissance, l’ordre et le pardon. Dieu, donc.

Ajoutez à ceci le fait que « l’être supérieur » (l’Eldila dans le texte) de la Terre est celui qui a suivi la mauvaise voie (Satan, Lucifer, peu importe son nom) et vous avez donc un roman qui nous parle de la chrétienté sans jamais vouloir la nommer. C.S. Lewis lui-même intervient à la fin du roman, lorsque l’on comprend qu’il est en fait le narrateur de cette histoire, pour nous expliquer à demi-mot qu’il a choisi, en accord avec le fictif Ransom, de rédiger un texte de fiction pour faire passer son message en espérant toucher un public plus large. Dans le roman, l’idée est de prévenir l’humanité de l’imminence d’un conflit interstellaire. Mais le message pourrait, pour le même prix, être la révélation chrétienne. Lewis lui-même était à ce moment de sa vie un converti récent. Ce n’est qu’en 1931, sous l’influence notamment de Tolkien et de quelques autres, qu’il se converti au christianisme (de confession anglicane). Et, comme chacun le sait, il n’y a pas pire prosélyte qu’un nouveau converti.

Par ailleurs, on peut douter également de son refus de l’allégorie quand on lit le roman avec une connaissance du contexte historique. Lewis, comme Tolkien à nouveau, a connu les tranchées de 14-18. Nous sommes en 1938 quand il publie ce premier tome de sa trilogie cosmique en devenir. Il assiste, impuissant, à la montée du nazisme en Allemagne et, plus généralement, du fascisme sur le vieux continent. Et c’est là le mal, la source de la guerre cosmique qui se prépare dans son univers de fiction. Difficile de ne pas voir dans la volonté de l’un de deux autres humains présents dans l’histoire, le physicien responsable du voyage, ces thématiques nationalistes qui occupent l’Europe à la veille de la deuxième guerre mondiale. Influencé par le colonialisme, il entends asservir les martien au profit de la race humaine, qu’il veut immortelle en tant que concept (et non en tant que somme d’individus). Le Reich de mille ans n’est pas bien loin. Le parallèle, à nouveau, est  donc assez grossier. Si toutes ces thématiques seront reprises plus tard dans le Monde de Narnia, elles le seront de manière nettement plus logiques, subtiles, et s’intègreront bien davantage dans le récit.

Au-delà de la planète silencieuse est donc un roman intéressant pour y voir les débuts romanesques de son auteur. Dans l’histoire de la littérature fantastique anglaise, c’est certainement une œuvre importante de par sa diffusion et l’influence qu’elle exercera sur des générations successives d’écrivains qui seront plus touchés par la SF de la trilogie cosmique que par la fantasy de Narnia. En ce sens, il est salutaire que Gallimard, à travers sa collection Folio SF, ait republié cette trilogie considérée comme un classique, avec une nouvelle traduction, alors qu’elle n’avait plus été publiée en français depuis le milieu des années 60. Est-ce pour autant un bon livre ? La somme de ses faiblesses l’emporte malheureusement sur l’intérêt qu’il peut avoir et je ne peux donc que le déconseiller au lecteur qui s’intéresse à la SF en dilettante. Personnellement, j’enchaînerai quand même avec le deuxième tome, Perelandra, sorti quelques années plus tard, afin de vérifier si les scories de jeunesse, sur la forme comme sur le fond, s’effacent au profit du space-opéra que ce premier tome aurait pu annoncer.

Le Nordique

Sous-titré : Chroniques retrouvées du dernier convoi

D’Olivier Anselme-Trichard, 2017.

La formidable collection Ourobores de Mnémos s’est enrichie en 2017 du Nordique, de l’illustrateur/auteur Olivier Anselme-Trichard. Œuvre d’une vie, si j’en crois la quatrième de couverture, Le Nordique est surtout un livre-monde très innovant et difficilement comparable. Rédigée sous la forme d’un journal, annoté et éclairé par divers autres intervenants, l’œuvre se veut la confession écrite d’un illustrateur chargé de cataloguer les diverses espèces vivantes rencontrées par le Nordique, convoi monstre de plusieurs centaines de milliers de pèlerins, quittant ses terres natales, marquées par un fondamentalisme religieux de plus en plus agressif, pour la ville de naissance de son prophète, dans une contrée voisine répondant à un autre type de monothéisme exclusif.

Ajoutez à cela que le narrateur, l’illustrateur-naturaliste Cahnis voit poindre en lui une deuxième personnalité alors que le convoi lui-même semble sous l’effet d’une drogue de masse et vous aurez un texte pas piqué des vers. La découverte d’un monde cohérent, avec une société étrange et une faune et une flore détaillée font du Nordique un véritable livre-monde à ambition mytho-poétique. Et c’est, à mes yeux, un véritable succès. Anselme-Trichard, qui a surtout travaillé dans le monde du jeux vidéo (mais aussi de l’animation pour enfant dans ses jeunes années), a une plume acérée, qu’elle soit au service des mots ou des dessins.

Le danger d’un monde nouveau, très différent des canons classiques de la fantasy et du fantastique, est le risque de gloubi-boulga quand on développe son vocabulaire propre. Sans atteindre les hauteurs d’un linguiste façon Tolkien ou la faconde d’un Alain Damasio, on sent à chaque page qu’Anselme-Trichard a travaillé et retravaillé son texte pour le rendre compréhensible malgré l’adoption de tout un vocable nouveau, parfois très alambiqué. Et si certains passages demandent clairement qu’on s’accroche (le personnage principal, parano et régulièrement sous l’effet de drogues diverses, n’est pas toujours d’une cohérence optimale lorsqu’il rédige ses notes/son journal), le récit principal reste limpide du début à la fin.

Le tout est en plus servi par les très beaux dessins de l’auteur. Ils s’insèrent évidemment parfaitement dans le récit, même s’ils n’ont qu’une portée illustratrice. Le style se veut réaliste, même si le design s’approche souvent de Moebius (notamment dans les vêtements des différents protagonistes). Le tout donne le sentiment d’un univers construit dans ses moindres détails, pensé tant dans sa zoologie que dans ses habitus sociaux ou dans l’histoire de ses religions. A travers l’une des illustrations en milieu de bouquin, où l’on voit ce qui semble être un immeuble à l’abandon en arrière-plan, on est en droit de se demander si l’univers du Nordique n’est pas une Terre post-apocalyptique, même si c’est le seul indice possible d’un éventuel lien avec notre monde.

Il n’est pas simple de trouver un point de comparaison, comme je le disais. Le monde développé, à travers l’avis singulier (et torturé) de Cahnis, ne ressemble à rien de connu. Maintenant que je cherche d’autres exemple, je ne peux que penser, à nouveau, aux futurs étranges construits par Moebius dans certaines de ses BD. Ou encore à l’univers très particulier de l’Incal ou des Méta-Barons de Jodorowsky. Ou encore, en effet, à La Horde de Contrevent de Damasio, en plus condensé et plus lisible.

Le Nordique est donc une très belle surprise, qui se lit comme un rêve halluciné dans un monde étrange. Si la fin est un peu abrupte et que l’on aurait aimé suivre Cahnis dans d’autres contrées (sans vouloir davantage dévoilé l’intrigue), Le Nordique est un récit complet, oppressant et jouissif par son inventivité débridée. Bel objet, plus original encore que le Kadath publié dans la même collection et basé sur l’univers de Lovecraft, le roman illustré d’Olivier Anselme-Trichard n’a finalement qu’un seul défaut : son auteur a mis 12 ans à le réaliser. En d’autres termes, si l’on veut parcourir une nouvelle fois les terres du Nordique et en comprendre davantage sur son univers foisonnant, il y a fort à parier qu’il faudra prendre son mal en patience. Pendant longtemps.

Angel Heart

Sous-titré : Le Sabbat dans Central Park

De William Hjortsberg, 1978.

Harry Angel est un privé new-yorkais dans les années 50. Il est engagé par un certain Louis Cypher (ah! mais qui pourrait bien ce cacher derrière ce patronyme ?) pour retrouver le chanteur Johnny Favorite, disparu quelques années plus tôt de l’hôpital pour vétérans de guerre où il était soigné. Et Harry de passer son imper, de mettre son flingue en bandoulière et de partir interroger toutes les connaissances dudit Johnny. Rapidement, il se rend compte que de sombres histoires de rites vaudous et/ou sataniques traînent dans les parages et que la piste de Johnny sent le souffre. Et les choses s’aggravent lorsque les témoins contactés par Harry commencent à mourir l’un après l’autre, de l’assassinat maquillé en suicide en passant par le meurtre rituel…

Hjortsberg, auteur assez peu prolifique, signe avec Angel Heart l’un de ces deux succès d’édition (avec Nevermore, autre roman noir qui convoque Conan Doyle et Houdini pour résoudre une enquête dans les années 20). Et Angel Heart est également son œuvre la plus connue, suite à l’adaptation ciné d’Alan Parker fin des années 80 avec Mickey Rourke (avant chirurgie) dans le rôle principal et Robert De Niro dans le rôle de Lucifer (je ne vous ai pas vraiment spoilé, si ?). Alan Parker eu d’ailleurs la bonne idée de déplacer l’intrigue de New York (dans le roman) vers la Nouvelle-Orléans (dans le film), ce qui donne un côté Sud décadent qui colle à l’histoire et rend l’hommage au jazz de l’entre-deux-guerres encore plus évident.

Le bouquin, lui, se lit pour ce qu’il est : un bon policier. Entièrement centré sur Angel et son enquête, le roman nous fait vivre heure par heure et jour par jour l’avancement du privé dans les méandres sataniques de la vie de Johnny Favorite. Et c’est efficace comme un bon polar : ça se lit vite, c’est plein de rebondissements, de sang et même un peu de sexe. Reste à savoir pourquoi Folio a décidé de le rééditer dans sa collection SF, alors qu’il était originellement publié dans la série noire de Gallimard, où il avait probablement plus sa place. L’élément fantastique du bouquin (vous l’aurez compris : le diable est aux manettes) lui trouverait davantage une place naturelle dans la collection horreur (aux côtés de King ou de Straub) que dans la collection SF.

Mais qu’à cela ne tienne : ça fait longtemps que je n’avais plus lu de polar, n’étant pas tellement friand d’un genre où la mécanique est tellement bien huilée que rares sont les auteurs qui parviennent à innover ; c’était l’occasion ! De plus, par ses fortes chaleurs (il fait 36° chez moi !), la moiteur des clubs de jazz interlopes des bas-fonds de New York sonnent très naturels. Tout comme les sabbats glauques qui donnent leur sous-titre au livre. Enfin, le twist final est bien amené et finalement assez peu prévisible, ce qui joue aussi en faveur du titre. Bref : un bonne histoire, pour ceux que le glauque n’effraie pas, même si ce n’est certes pas un chef-d’œuvre intemporel.

L’Instinct de l’équarrisseur

Sous-titré : Vie et mort de Sherlock Holmes

De Thomas Day, 2002

Hommage punk au canon holmésien, Thomas Day nous relate ici les aventures fantastiques du « vrai » Sherlock Holmes, assassin royal de sa Majesté dans un univers parallèle à la limite du steampunk. Arthur Conan Doyle, l’auteur, le vrai, qui déteste sa création, ne fait ici que relater les aventures de ce double extravagant en les atténuant pour nos yeux de lecteur sage et incrédule. Doyle, donc, sert de passage entre notre monde actuel, dans l’Angleterre victorienne, et le monde parallèle, où Sherlock poursuit les démons à Londen (double étrange de Londres), dans un monde où l’homme cohabite avec un espèce extraterrestre ressemblant à s’y méprendre à des ours en peluche.

Dans son délire fantastico-policier, Day convoque un certain nombre de personnages historiques étrangement falsifiés dans cet univers parallèle : Jack London, Oscar Wilde, Freud, Einstein ou encore Jack l’Éventreur. Sans oublier, bien sûr, le parangon éternel : James Moriarty.

Mêlant habillement, comme à son habitude, le sexe et la violence crue, Day s’arme dans ce qui fut l’un de ses premiers romans publié, d’un humour destructeur mais efficace. Les jeux de mots font mal, au propre comme au figuré. Car Holmes, dans l’Instinct de l’équarrisseur, est davantage proche du psychopathe cocaïnomane que de l’enquêteur misanthrope. Jamais il n’aura été plus proche, finalement, de son double maléfique, le génial James Moriarty.

Sur l’histoire en tant que telle, peu de chose à dire : Doyle accompagne Watson qui accompagne Holmes dans sa lutte contre l’assassin de white chapel dans un premier temps, puis dans sa lutte contre Moriarty dans un second temps (le bouquin pourrait être composé de deux novellas indépendantes, si ce n’est le lien scénaristique ténu entre les deux). D’autres pistes sont évoquées et explorées (la vie de Doyle, le rôle de la compagne de Moriarty, etc.), mais sont relativement secondaires par rapport à la mécanique du récit.

Comme d’habitude avec Day, ça va vite, ça cogne dur, on se marre bien. Tout cela est très efficace. On sent aussi l’amour que Day porte au matériau de base, même s’il le malmène ici à l’extrême. La bibliographie fouillée publiée par l’auteur en fin d’ouvrage montre qu’il connait son Holmes par cœur, et qu’il a un intérêt certain pour les pastiches et hommages qui lui furent rendu en littérature depuis des dizaines d’années. Un bon moment de lecture : du Pierre Pevel sous testostérone.